Globes. Sphères II

Globes, Spheres II - Peter Sloterdijk688 pages  Editeur Fayard/Pluriel

Description

Dans l’Antiquité, la sphère est la représentation de la perfection de ce qui n’a ni commencement, ni fin, échappe à la corruption du temps, symbolise le divin qui s’offre à la contemplation. Depuis les Grecs, la totalisation du monde s’opère sous la forme d’un globe, à la fois vision cosmogonique, projection géométrique et spéculation philosophique, mais aussi représentation physique de la souveraineté et attribut des empereurs, monarques ou papes. Quand s’ouvre le monde, quand la circonférence ne le contient plus et que les hiérarchies sont bouleversées, que devient cette représentation dont nous sommes malgré tout les héritiers ? Suffit-il de la déclarer obsolète pour en être affranchi ?
Avec son brio habituel de conteur, Peter Sloterdijk nous entraîne dans un voyage passionnant à travers les civilisations et les époques, au gré de la position qu’y occupe le centre de la sphère.

Extrait

Extrait du prologue

Idylle intensive

«On lui demandait un jour pourquoi il était né. Il répondit : „Pour observer le soleil, la lune et le ciel.“» Diogène Laërce, «Anaxagore».

«Mais l’âme est aussi nostalgie, et l’éternelle nostalgie de l’âme va toujours à l’espace.» Max Bense, Raum und Ich.

Sept hommes d’un certain âge dans un paysage idéalisé, non loin d’une ville grecque, peut-être Acrocorinthe, peut-être Athènes, sûrement pas Sparte.

Ces messieurs, tous barbus, sont rassemblés sous un arbre et conversent, près d’un bois sacré dont l’entrée est indiquée par des piliers ; sur la poutre transversale, des récipients bombés contiennent des offrandes.

Tout dans cette scène témoigne de l’état d’exception : le lieu n’est pas un lieu quelconque ; les propos qu’on y tient ne le sont pas non plus. Visiblement, l’animation qui s’est emparée des personnes rassemblées ici tient à l’acuité du thème évoqué. L’homme debout à gauche vient d’achever son plaidoyer, celui qui préside y apporte une brève réponse en désignant la boule avec son bâton, et une sorte d’étonnement se répand parmi l’assemblée. Tout laisse penser qu’une idée fait la ronde et les traverse à la manière d’une attaque. Il y a dans l’air un certain affolement ; on a même du mal à se défaire de l’impression que la fascination de la dispute a laissé place, à cet instant, à une consternation commune. Une réflexion d’une hardiesse effrayante est vraisemblablement apparue et s’impose aux hommes assemblés avec la force de ce qui surgit pour la première fois. Rien n’interdit de s’imaginer qu’il s’agit de l’instant où du jamais osé, du jamais pensé, du jamais tenu possible sous cette forme prend possession, d’une manière pratiquement pathologique, des interlocuteurs. Dans cette dotta conversazione, l’instant fécond a surgi. La rhétorique s’est transformée en pensée ; s’élevant du discours gratuit, des idées capables d’embrasser le monde prennent leur vol. Une évidence sans précédent captive l’intelligence des personnes présentes. –Ce texte fait référence à l’édition Broché .

Revue de presse

Les controverses que suscitent, à intervalles réguliers, les écrits foisonnants de Peter Sloterdijk donnent souvent envie de tenir un ouvrage de ce philosophe très médiatisé sur lequel on pourrait s’écrier finalement : „ah ! c’était donc cela !“. Encensée ou diabolisée, l’oeuvre du recteur de l’Université des arts et du design de Karlsruhe (Allemagne) navigue depuis quinze ans entre des polémiques qui ont cette vertu d’obliger les plus réticents de ses critiques à s’occuper de lui…
La volumineuse trilogie des Sphères, dont le premier et le dernier volume sont parus en français (respectivement Bulles, chez Pauvert, en 2002, et Ecumes, chez Maren Sell, en 2005), est censée représenter l’esprit de profondeur de la démarche. Elle est servie par une langue magnifique, un génie de l’invention conceptuelle et, ici, une traduction particulièrement réussie. (Nicolas Weill – Le Monde du 16 avril 2010) –Ce texte fait référence à l’édition Broché .